J’ai parlé du syndrome de l’imposteur que beaucoup d’entrepreneurs, salariés, professionnels ressentent. J’aimerais évoquer aujourd’hui le moment de doute. La baisse de régime. Le coup de cafard qui peut survenir à n’importe quel moment. Quand on se lance dans un projet, qu’on souhaite en vivre ou non, il y a toujours des jours où l’on ne sait plus ce que l’on fait là. On se demande même pourquoi on s’est dit un jour qu’on allait arpenter ce chemin.
Comment surmonter ces baisses de régime ? Comment aller de l’avant ? Se reposer sur quoi, ou sur qui ? Tentons de trouver des pistes.
L’effet « A quoi bon » ?
Vous êtes en train de bosser sur votre projet, et d’un coup, le vide vous assaille. Vous vous sentez englués dans la mélasse de vos craintes, dans l’incertitude de l’avenir, et dans le silence des autres. Pourtant, cette idée, vous ne l’aviez pas lancée au hasard ! Vous y avez longuement réfléchi, en faisant des erreurs, certes, mais vous saviez encore hier pourquoi vous vous levez le matin.
Et là, pendant votre café, qui vous semble plus amer que d’habitude, vous jetez un œil à vous-même, et vous n’y voyez que votre peur. Vous êtes blême, vos épaules sont basses, et votre tête refuse de se relever.
« A quoi bon ? De toute façon, tout le monde fait mieux que moi, je n’arrive jamais à rien ! »
La phrase est pensée. Et elle vous gâchera la journée entière. Peut-être même la semaine. Vous aimeriez beaucoup que l’on vous tapote la tête en vous donnant un chocolat chaud. Vous cherchez à droite et à gauche des personnes, des signes, qui démontrent que non, vous vous trompez, vous avancez dans la bonne direction. Mais ces signes ne viennent pas. Et vous vous sentez plus misérables qu’à l’instant d’avant.
Vous voyez de quoi je parle ? J’appelle ça « L’effet à quoi bon ? ». Et il sévit pour toute personne décidant de sortir de sa zone de confort. Il est notre pire ennemi, il est vicieux, pernicieux, il survient quand ce n’est pas le moment, et il est très efficace pour vous saper le moral. Dans ce maelström d’émotions négatives, on a tendance à commettre des erreurs.
Erreur N°1 : Chercher à être rassuré par les autres
Quand on est dans l’œil du cyclone « A quoi bon ? », on pense que l’on est fondamentalement incapable de trouver l’élan qu’il nous manque tout seul. Alors, on va se tourner vers l’autre. L’autre, ça peut être le conjoint, les amis, les collègues, les clients ; qu’importe.
On va donc aller les voir, virtuellement, ou non, pour exprimer notre souffrance. Généralement de façon malhabile, dans le seul but d’avoir une petite lumière rassurante. Où est l’erreur ? L’autre n’en a rien à foutre. Si, si. Même avec les meilleures intentions, il a autre chose à faire que de vous servir de psychologue. Et peut-être qu’il est lui-même aux prises avec cet effet ? Il n’a pas envie de vous rassurer, il a déjà besoin de se rassurer lui-même.
Et n’oubliez pas, en lui disant que vous doutez, il risque de douter de vous. L’autre n’est pas un pansement. Il est un partenaire (quel que soit son statut), il vaut mieux éviter de l’étouffer avec ses propres craintes.
Erreur N°2 : Dresser la liste des raisons qui font que l’on va échouer
Au lieu de se rassurer soi-même, on va vouloir absolument se conforter dans notre impression de médiocrité. Immédiatement, on va dresser une liste mentale de toutes les raisons qui font que – quoi qu’on fasse – on va se casser la gueule.
Et tout y passe : nos compétences, notre personnalité, notre façon de faire, notre façon d’être, notre légitimité…
On se saborde, bien gentiment, et on en redemande. On se lèche les plaies, et ça fait de gros dégâts. Votre journée sera passée à déprimer, à tourner en rond, à vous dire que vous perdez du temps, et à en faire perdre à tout le monde.
Erreur N°3 : Se la comparer avec les autres
En perte de vitesse, on a tendance à regarder chez le voisin. Comment il fait, lui, pour avoir autant de succès ? Et pourquoi, moi, je n’y arrive pas ?
Les récriminations pleuvent : vous prenez en pleine face une réalité de l’autre totalement fantasmée. Vous gonflez les chiffres de trafic des sites concurrents, gonflez mentalement leur CA, imaginez un quotidien doré sans raison… Puis, vous finissez par jeter un œil à votre vieille Twingo en vous disant que, décidément, votre vie, c’est de la merde.
Oui, forcément : l’herbe étant toujours plus verte ailleurs, votre gazon devient subitement une boue spongieuse dans laquelle les graines que vous avez plantées refusent de pousser.
Erreur N°4 : La tentation du renoncement
Roulé en boule dans votre lit, le chat ronronnant à côté parce qu’il s’en fout de vos états d’âmes, vous caressez l’idée de tout arrêter. Votre journée est entièrement dédiée à la pensée négative et à vos échecs plus que probables – car à ce stade, vous ne doutez plus de votre échec, donc vous ne faites plus rien.
Votre professeur de Maths en quatrième vous l’avait bien dit : Vous êtes irrécupérables !
Forts de cette certitude, vous décidez que vous allez arrêter, et vous ranger dans un coin, en laissant faire les pros. Parce que les pros, eux, ne se plantent jamais. Quand vous vous relèverez, cela sera pour laisser tomber vos rêves. Vous en êtes convaincus.
Comment surmonter le doute ?
Je n’ai pas de recette miracle. Je doute moi-même. Beaucoup, tout le temps. Et les erreurs citées, je ne les sors pas de mon imagination fertile. Non, je les écris au fur et à mesure que je liste les forfaits que j’ai tendance à commettre quand je suis dans l’effet « A quoi bon ? ».
Je suis souvent tentée de m’en remettre aux autres, de leur demander de jolies images pour croire en ce que je fais, alors que j’en suis par moment incapable. Mais pas aujourd’hui ! Aujourd’hui, je tente de trouver des solutions pour passer cette journée.
Idée N°1 : Continuer de faire marcher la machine
Pendant que vous êtes en pleine tempête, il faut se dire : « Si je m’arrête, je meurs ». Un peu comme dans les films, vous voyez ? Imaginez qu’il fait un froid polaire, et que si vous arrêtez de bouger, votre corps congèlera sur place, et votre cœur s’arrêtera.
Il faut donc continuer à marcher. Et dans le cadre de votre projet, même si vous sentez ces relents de déprime vous assaillir, prenez à bras-le-corps une tâche chronophage et immersive. Oui, on écarte la douleur, oui, on écarte le problème. Mais on le résout également : malgré votre faiblesse passagère, vous gardez la tête haute. Et cela vous permettra, à la fin de la journée, de vous dire : « Putain, je ne me laisse pas abattre, j’ai du courage. » Et ça change tout.
Idée N°2 : Ne prendre aucune décision
A l’instar de la dépression, de l’ivresse, ou de l’excès de confiance en soi, l’effet « A quoi bon ? » fausse notre jugement. Il brouille les pistes, vous empêche de penser de façon cohérente et lucide.
Prendre une décision à ce moment (positive, ou négative), est une erreur que vous risquez de regretter. Vous n’avez pas le cœur à parler aux gens ? Evitez de le faire au maximum. Vous avez envie de tester un nouveau truc, piqué à un voisin ? Faites, mais ne le publiez pas, ne faites rien de définitif.
S’il le faut : produisez, mais ne produisez pas publiquement. Car demain risque de vous apporter un nouveau regard. Et vous ne voulez pas vous reprendre le doute dans la gueule quand vous jugerez ce que vous avez fait.
Idée N°3 : Faire une liste, oui, mais de ce que vous avez accompli
Vous moulinez ? Vous faites du sur-place ? Ok. Est-ce que ça a toujours été le cas ? Posez-vous un moment, non pas pour dresser le portrait d’un parcours qui vous frustre. Non pas pour vous dire « j’aurais dû », ou « je devrais », mais bien pour vous soigner un peu l’égo : « j’ai réussi ça », ou encore « j’ai fait ça ».
Le but n’est pas de vous dire que vous êtes parfaits. Non. Le but est de vous faire prendre conscience que vous n’êtes pas le raté que vous vous imaginez dans ces cas-là.
Idée N°4 : Vous souvenir des raisons qui vous ont poussé à monter ce projet
On ne se lance pas dans quelque chose sans avoir une envie, un rêve, un besoin. Du moins, je n’y crois pas un seul instant. Oui, il est possible que ce projet ne vous corresponde plus. C’est vrai. Mais il est aussi fortement possible que vous ne supporteriez pas l’idée de revenir « à votre vie d’avant »… ?
Changer pour quoi faire ? Abandonner cette idée pour quoi faire ?
Si c’est pour se dire « Pour faire comme tout le monde, je ne serai pas heureux, mais au moins, je serai quelque part » ATTENTION ! Parce que c’est le meilleur moyen de vous faire encore plus de mal.
Quand vous vous êtes lancés, vous vouliez améliorer votre vie. Vous avez passé d’extraordinaires moments d’exaltation. Et ces moments reviendront. Automatiquement. Voulez-vous réellement leur tourner le dos ?
Idée bonus : Ecrire un article traitant de cette question
Utiliser son doute pour en faire quelque chose est salvateur. Du moins chez moi. Le malaise s’accompagne souvent d’un repli vers soi, d’un certain nombrilisme, et, pour ma part, d’une réflexion métaphysique de comptoir.
Cela peut être source d’inspiration, pour nous, comme pour les autres. Et en attendant de repartir sur les chapeaux de roue, on fait ce que l’on sait faire, et on extériorise de façon la moins improductive possible.
Et après, on fait quoi ?
On attend que ça passe. Quand il pleut, on peut se mettre à l’abri. On ne va s’empêcher de sortir pour autant. On va prendre un parapluie, et on va mettre le nez dehors.
Là, c’est pareil. On va se protéger pour la journée, sans pour autant cesser son travail. Oui, on va tourner au ralenti, un peu. Mais on ne se sera pas arrêté. Et puis, comme toujours : après la pluie, vient le beau temps. Demain, ça ira mieux. Demain, on aura la pêche. Demain, on ne doutera plus.
Et vous, comment faites-vous quand vous doutez ?
Très bon article à une exception près.
En quatrième votre professeur de maths ne vous a jamais dit que vous étiez irrécupérable car vous étiez très brillante mademoiselle, c’est au lycée que vous avez attrapé la Mathématite (inflammation aigüe des mathématiques, néologisme que je viens d’inventer spécialement pour vous).
Vos propositions de pistes d’introspection à suivre sont plus que positives…
Bravo
Oui, certes… C’est vrai. Disons qu’on aura compris l’idée 🙂
Merci « J’en sais rien » pour ton message, tu aurais peut-être d’autres pistes à creuser ?
En générale, cette effet « à quoi bon ? » ne me donnes pas envie de tout arrêter mais de m’appuyer sur les autres, genre : Je ne vais jamais y arriver toute seule ! Au secours !
Je prend note de l’idée de laisser poser ce qu’on a fait jusqu’au lendemain. Je rajouterais se poser la question autrement : Et si je continuais ? Pour se rappeler le but qu’on veut atteindre, peut-être aussi re-planifier ses buts avec plus ou moins d’optimisme et trouver des moyens.
Tout à fait !
Demander de l’aide n’est pas une honte, ni un aveu de faiblesse. Au contraire. Il faut parfois même beaucoup plus de courage pour dire « bon, là, je n’y arrive pas ».
En revanche, il ne faut pas non plus tomber dans l’effet inverse. Par exemple : on peut toujours chercher avant, puis, si vraiment l’on ne trouve pas la réponse, ou que nous avons besoin d’un avis (réellement), à ce moment, on va vers l’autre. Je dis cela surtout sur le principe du « Demande à Google, si Google ne sait pas, réfléchis à ta question, si ta question n’est pas en cause, trouve un humain pour t’aider à y répondre ». Mais c’est un mantra personnel…
Se rappeler de ses buts est à double tranchant à mon sens. Car on a tendance, dans ces moments-là, à croire plus facilement qu’on ne peut les atteindre. C’est surtout pour ça que je préconise de se souvenir du chemin parcouru. On en tire du positif insoupçonné souvent.
Après, sur le volet de la replanification plus optimiste, je suis entièrement d’accord ! Reste à savoir si « en crise », on peut le faire, ou s’il faut attendre un petit peu pour y voir réellement plus clair. Histoire de ne pas tomber dans le travers inverse, c’est à de dire d’avoir tendance à se dire « Mon objectif aujourd’hui est de me lever ». Enfin, cet objectif est « négatif » si jusqu’ici on arrivait à faire beaucoup plus. Si ce n’est pas le cas, c’est en effet un premier pas. Mais je dérive x)
J’ai suivi ton idée bonus : http://www.idontthink.fr/doutes-et-interrogations-meilleurs-amis-du-freelance/
Mais toutes les autres étaient très bien. Mention spéciale pour la liste des choses accomplies !
Merci !
Bonsoir Julia !
Je valide ton commentaire, parce que oui : tu places ton lien. Je pourrais faire ma vierge effarouchée comme beaucoup, mais non. Pas moi. Parce que tu le fais intelligemment (cela dit, si tu t’es lancée dans une vague de commentaires sur d’autres blogs, attention à noyer plus le poisson je pense). Bref j’aime bien les gens qui viennent, et qui montrent que c’est clair.
Autre raison : j’ai lu ton article. Et je l’ai trouvé très positif. Truffé de bonnes choses, et vraies, sans langue de bois aseptisée ; en d’autres termes, j’ai trouvé que tu livrais un texte intéressant.
Voilà 🙂