L’année dernière déjà, quand j’avais pu lire l’avant-propos de « Google Nation », le livre-essai de Thomas Léonetti, ma première pensée a été « C’est pas vrai, un SEO qui réfléchit » ! Et en déroulant petit à petit son livre, la pensée qui me vient aujourd’hui est plus nuancée. Aujourd’hui, c’est plutôt du « C’est pas vrai, un SEO qui a réfléchit à son métier ! ».
Je nuance aujourd’hui, car entre-temps j’ai pu découvrir que tous ne sont pas de gros bourrins « arroseurs » ayant du mal avec des mots de plus de deux syllabes…
Une raison simple à cette review
Il existe bel et bien des gens pour qui le métier est assez passionnant, complexe, et relevant d’une multitudes de questions éthiques et humanistes, pour s’arrêter deux secondes dans la course à la 1ère position (ou position 0, maintenant…), afin de réfléchir aux enjeux que ce métier peut contenir.
Thomas Leonetti n’est pas le seul, naturellement. Seulement il a le mérite d’avoir proposé autre chose qu’un livret explicatif de « comment que la balise title est importante et comment que tu dois lâcher 20 balles pour le savoir ».
En d’autres termes, je me fends d’un billet parce qu’il a su prendre, selon moi, un risque dans le biz : oser produire un essai qui interroge et qui contient le mot « paradigme », sans avoir mis un glossaire à la fin pour l’expliquer à destination des mous du fond. Et ça, ça valait bien un papier !
Si ton QI est égal à ta température anale, passe ton chemin !
Clairement, Google Nation n’est pas là pour le lecteur lambda qui a du mal à rester concentré.
C’est un livre qui demande un minimum d’implication dans le processus, car il ne contente pas de dérouler un avis : il va parfois chercher des citations, poser des questions, pondre des schémas. BREF, ce bouquin demande d’être à l’aise avec l’exercice.
Je parle de lire autre chose que « Martine apprend à faire du SEO en dix étapes » et autres « Martine pense qu’un article doit faire 200 mots, sinon c’est trop pour elle ».
Ce n’est pas un essai qui s’adresse aux SEO. En fait, si le livre mérite largement d’être lu par la communauté (et de voir des réflexions s’articuler autour, de la part des professionnels), nous sommes plutôt sur un bouquin qui va intéresser les interrogateurs du Web, et autres « réflexionneurs des transformations numériques ». C’est-à-dire des personnes aimant comprendre les biais de consommations qui s’opèrent au travers de l’hégémonie de Google. Notamment.
En d’autres termes, c’est un livre qui semble en augurer d’autres, et qui illustre parfaitement bien les transformations des métiers du SEARCH : bourriner n’est plus suffisant, il faut penser en dehors de sa petite SERP.
Des questions aux questions, en passant par des réponses
Loin de nous dérouler pendant 80 pages un sombre complot de la part de Google visant à annihiler toute pensée construite au sein de l’Humanité, Google Nation débute cependant par ce fait :
« […] nous tenons pour acquis que les moteurs de recherche sont fait pour répondre à une question qui leur est posée. Cependant, les moteurs de recherche deviennent invisibles, augmentant ainsi – sans que nous y comprenions quoi que ce soit – leur pouvoir sur nos requêtes, sur nos besoins, sur nos envies. »
Google (très particulièrement) est vu comme une sorte de service public presque naturel, inhérent au Web, alors qu’il s’agit d’une entreprise (à buts lucratifs, donc), reposant sur l’Humain, et sur sa compréhension et captation de cet Humain.
Et c’est CA qui est ultra-novateur chez Thomas Leonetti, c’est qu’il replace l’usager de Google, ainsi que le professionnel (les fameux SEO), comme étant à la fois consommateurs et carburants d’une recherche vieille comme le monde.
Une idée essentielle en tâche de fond
Je ne spoile pas le bouquin, mais vous y trouverez une réflexion rare, à savoir l’historicité des méthodes de classement et indexation au sein de la pensée. Tout un pan de l’essai propose de découvrir, ou redécouvrir les sources d’inspirations pourtant évidentes, au fonctionnement de Google.
De quoi calmer ceux qui veulent toujours « hacker Google, pour ranker dessus », en rappelant que la base du moteur de recherche est et restera l’Humain.
Ce qui m’amène à l’idée principale qui se dégage de l’essai, et que je perçois chez les intentions que je prête à la firme : la recherche ultime est celle de la compréhension de l’Homme.
La quête du Saint-Graal qu’est « l’intention de l’utilisateur », est la quête ultime de l’Humanité toute entière ! Plus que « Est-ce que Dieu existe ? » et autres « Comment fait Camille pour être aussi géniale ? », la question fondamentale de « Qu’est-ce que l’Humain ? » EST la question jamais élucidée depuis des milles et des milles.
Et c’est LA question qui taraude l’avenir, avec ses tentatives d’Intelligence Artificielle (véritable domaine d’intérêt de Google, selon moi), et ses questions sur la morale, la conscience, etc.
Une perspicacité que je salue
Dans Google Nation, Thomas Leonetti ne se contente pas de donner son avis. Ni de nous balancer des sources, des graphiques, des formules (si si ), et des anecdotes.
Il part d’un constat simple : nous passons notre temps à nous méfier de tout. Des médias, des Réseaux Sociaux, mais pas de Google. Google, qui est un medium nous semble inoffensif.
Et quand nous l’attaquons et lui prêtons (légitimement, je le crois) des idées méphitiques dignes des plus grosses dystopies, nous oublions de comprendre que Google n’est rien d’autre que notre propre reflet.
Véritable parasite qui se connecte à notre essence et s’alimente de nos désirs – en les encourageant très largement – Google cherche, à travers nous, à se définir. À définir l’Humain, voire à en devenir un.
En définitive, loin d’être une machine à déshumaniser notre race, il se peut qu’au contraire, Google soit le moteur de recherche de nous-mêmes.
Pourquoi j’ai aimé le bouquin ?
Parce qu’il est court, pour commencer.
J’avoue que j’aurais moins aimé me fader une chiée de pages d’un coup. Car je trouve ça plus compliqué de suivre ce genre de livre avec des coupures. C’est pour ça que j’ai mis autant de temps à le lire et à le reviewer : j’avais besoin de pouvoir me dégager un vrai moment.
Ensuite, j’ai gribouillé deux pages papier de notes et de réflexions au cours de ma lecture : c’est-à-dire que le livre m’a amenée à réfléchir, à rebondir. Et ça, c’est un truc que j’aime quand je lis ce genre de choses.
Et c’est pour moi une réussite : j’ai passé un bon moment, et j’ai le sentiment d’en être ressortie avec quelque chose. Quelque chose de bien plus précieux qu’un « truc ultime pour ranker* ».
Pour conclure, je vous laisse avec une autre citation du bouquin, qui est également une partie de la conclusion :
« Ma volonté n’est pas de trouver une solution unique pour résoudre des problèmes bien plus complexes qu’ils ne le sont en réalité, mais bien de continuer à alimenter un débat, de stimuler une critique constante. Nous devons sortir de notre rôle passif, pour réfléchir, discuter, et construire le présent et le futur des moteurs de recherche »
Ben GG mec, pour moi, c’est pari gagné. On s’revoit au prochain !
[Mise au point nécessaire et pas franchement « copinou-copinette mes choupettes » ] :
Au cours de l’article, je tacle méchamment la profession en lui prêtant pour la majorité un QI de moule à marée basse.
Parce que je pense sincèrement que la grande majorité de ceux se disant SEO ne sont que des linkeurs frénétiques, souvent calés sur la technique (et d’une intelligence certaine), mais sans vision, sans réflexion. Pire : beaucoup trop se vantent de se foutre de ça, et de ne chercher qu’à « faire du biz, lol ».
L’argent, c’est bien, mais quand on a vraiment de l’ambition pour soi-même, on se demande beaucoup plus, notamment sur le plan intellectuel. Et ça passe, je crois, par le fait de réfléchir au sens du métier qu’on exerce.
Et il est clair que le Search ne se limite pas du tout à ce que trois bouquins, et deux conf’s soutiennent : de la technique, sans philosophie, ou presque.
Ce qui m’amène au second point : Je tacle aussi les livres blancs qui se ressemblent. Ouais, j’en ai jamais écrit. Ouais. Parce que j’essaie d’être cohérente dans ma vie. Mais je tacle ça car, sous prétexte de faire comme tout le monde, je lis sensiblement les mêmes lieux communs partout. Sans prise de risque, juste pour faire croire à de l’expertise.
C’est pour ça que je soutiens le bouquin de Thomas. Parce qu’il a juste posé ses couilles en écrivant ce qu’il voulait écrire, et qu’il l’a fait en prenant son lecteur pour quelqu’un d’intelligent.
Et dans un Web qui croit qu’il faut des billets de 200 mots max, c’est assez rare pour être grandement apprécié et salué.
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