Je ne suis pas devenue entrepreneure, mais Moi

La chaîne Digital Gods s’amuse régulièrement à latter nos petites convictions à coups de vidéos aux postulats provocants, un brin péremptoires. Ça ne rate d’ailleurs jamais, il n’y a pas un mois sans que l’une des vidéos ne suscite une réaction épidermique… Ne débouchant sur rien d’autre qu’un échange de tweets, qui ne déblayent certainement pas le propos.

Ce mois-ci n’a pas fait exception, puisqu’en s’attaquant à la notion d’Entrepreneuriat, Laurent Bourrelly est arrivé avec ses gros sabots pour nous souffler ses ronds de cigare à la gueule ; et aujourd’hui, Stéphane Briot nous fracasse (littéralement) les oreilles avec les désillusions du patronat et du salariat, entre ébauches de constatation du clivage socio-économique et remise en perspective très « coaching-iène ». Eh oui, ce mot n’existe pas, et je vous emmerde.

 


Il ne manque donc que l’opinion de Thomas Cubel à ce sujet, comme le veut la tradition avant la grande messe en direct, mais seulement voilà, j’interromps la transmission pour livrer mon retour d’expérience.

 

Parce qu’à la base, la chaîne sert à ça

J’en profite pour passer un message à ceux du fond : la chaîne n’a pas été que construite pour lustrer les égos déjà surdimensionnés de nos stars, elle sert surtout à échanger. Le fait est que la populace (coucou toi) semble l’oublier et au mieux se contente de se rassembler à la grande ordalie mensuelle pour demander toujours la même chose :

Stp lauren lach T plans BL, wsh

Et cela, même si ça ne traite pas de SEO…

 

Ceci précisé, car il semble malheureusement urgent de le faire, je me permets donc de rebondir sur le sujet du mois.

 

Entreprendre est une affaire personnelle

Enfonçons une porte entrouverte à coups de trolls de la part de Sieur Bourrelly et Briot : entreprendre est une aventure perso (pleine de gens autour).

Un peu comme votre petite caresse en solitaire. Les enjeux que vous y mettez sont pareils à des fantasmes, et relèvent de votre imaginaire et de vos attentes. Naturellement, le climax dépend donc de votre coup de poignet, et si pour l’entrepreneuriat il y a bien des éléments extérieurs (considérez ici dans la métaphore que ça serait d’être interrompu en plein milieu), ne tient souvent qu’à vous de vous reconcentrer pour aller au bout.

Alors, je ne ferai pas l’affront de vous dire que c’est simple, de vous dire que c’est difficile, de vous dire que c’est bien, ou pas bien. D’une part parce que les deux loubards se sont assez amusés avec vos nerfs, et d’autre part, car vous l’aurez compris, j’estime que c’est une expérience trop unique pour être généralisée.

Aussi ne rentrerai-je pas dans les considérations politiques, économiques et sociales – une fois n’est pas coutume, et je sauterai directement à la partie qui devrait nous intéresser tous : Moi.

 

Et ce « Moi » mérite bien sa majuscule !

Je suis bien tentée de vous faire le coup du storytelling façon success-story et révélation d’une passion absolue pour l’art de la balise-title et de la catégorie pourléchée… Mais il est question de parler très sérieusement de quelque chose d’aussi intime que l’expérience d’entrepreneuriat.

 

On ne devient pas entrepreneur pour des raisons extérieures

Souvent, je raconte que mon parcours m’a obligée à en arriver là. Alors que ce dernier n’est pas en faute.

Certes, contrairement à ce qu’on pourrait croire, je n’ai pas fait d’études supérieures. Je ne sors pas d’une école de Communication. Je n’ai même pas un Bac Littéraire. J’ai un parcours scolaire semblable à toutes les personnes de ma trempe : chaotique, jalonné de professeurs épuisés d’une intelligence insolente et – je cite – gaspillée.

En d’autres termes, c’est après un Bac STG (Administratif, en somme), que je me suis cassée m’enterrer dans le Nord-Est de la France pour… Y greloter, crever la dalle, déprimer… Et ouvrir une période d’intérim’ sur des boulots qui m’apprendront le goût de la haine de l’autre, et le mépris de la bourgeoisie intellectuelle.

Des métiers abrutissants, où l’on croise aussi bien des gens heureux de se trouver dans cette case, que des néo-tyrans cherchant à contrebalancer leur manque d’autorité familiale.

10 années passées à ronger mon frein, à imaginer qu’un jour, si si vous allez voir, je vais être auteure, et que même que vous aurez l’air bien con, ah ah.

 

Est-ce pour ça que je suis Rédactrice ? Non.

Souvent je vous dis que c’est parce qu’on n’a pas voulu m’embaucher en tant que telle, vu que je n’ai pas de diplôme. Je vous raconte que c’est pour cette raison que j’ai créé ma boîte. Parce que j’y étais « obligée », si je voulais exercer ce métier.

C’était peut-être vrai la première année, mais pas les suivantes.

On devient entrepreneur pour soi-même

Avec le début de recul qui est le mien, j’ai commencé à entreprendre quand je me suis entreprise moi-même. Et ce n’est donc pas mon parcours qui m’a mené ici… Mais ma propre personnalité, mes aspirations réelles.

Il y a un moment dans sa vie – certain(e)s ont la chance que cela soit jeune – où on prend un peu de recul et on s’arrête deux secondes pour savoir ce que l’on veut. Et surtout : pourquoi on le veut. La maison, la bagnole, les gosses, le brunch le dimanche… ? Ou autre. Tout ceci provient d’un imaginaire collectif, une sorte d’image d’Épinal de la « réussite ». L’atteindre, ou ne pas l’atteindre peut être source de frustrations puisqu’il est rare qu’on prenne le temps de se demander si ces objectifs sont les nôtres. Si cette réussite en est une pour nous.

Dans les dix années passées en intérim’, à osciller entre chômage, boulot et entrepreneuriat calqué sur un modèle extérieur à ma volonté, j’ai eu l’occasion de ne pas m’interroger sur qui j’étais, sur ce que je voulais. J’ai agi en fonction des autres. Soit par opposition, soit par conformisme, mais fondamentalement en fonction des autres.

Jusqu’à ce que j’hésite très sérieusement à tout plaquer pour devenir une sorte de Jedi en Thaïlande… Là, j’ai capté un truc fondamental et clairement constitutif de ce que je suis actuellement. Et tout a changé. (Finalement, j’vous le fais le storytelling, eh ?)

J’ai commencé à faire les trucs pour moi. À entreprendre pour moi. Selon mes règles. Avec ma façon, de faire, mon caractère, mon choix de clients… Bref, à être mon propre patron. J’ai commencé à me gouverner moi-même. A assumer les choix derrière, moins de CA car plus de sélection, image plus écornée (mais ô combien passionnante à gérer sous ce persona)… Et petit à petit, putain d’Adèle… ! Ca a payé.

 

Et on réussit. Au sens strict.

J’ai commencé à avoir de très belles missions, à avoir des gens vraiment intéressants avec qui bosser. A avoir du temps, aussi. Pourquoi ? Parce que j’ai fait le choix de ne pas gagner « ma vie de ouf ». Pourquoi ? Parce que je voulais ne pas bosser comme une tarée, et de fait, moins qu’au smic. Or, je veux du temps. Pourquoi faire ? Mais putain pour écrire !

Pour écrire, dessiner, faire du jeu de rôles la veille d’un lundi. Pour créer, apprendre à sculpter… Merde, m’épanouir. Et ce putain de livre là que je me promets de faire depuis longtemps, celui qui, si si, j’attendais le bon moment… J’y travaille. Je le fais. Je fais d’autres histoires, je partage d’autres choses.

Je réussis ma vie telle que je n’osais la fantasmer ! Est-ce que ça va durer ? J’en sais rien, c’est pas mon problème pour l’instant. En attendant, si on raconte ce que je suis à l’enfant que j’étais à six ans, j’crois que je ne demanderais qu’une chose :

« Pourquoi t’as attendu autant de temps pour percuter, connasse* ?! »

 

L’Entrepreneuriat n’est rien

Il n’est ni bon, ni mauvais. Ni impressionnant, ni classique.

Il suffit d’y réfléchir deux secondes pour comprendre que ce n’est pas l’Entrepreneuriat qui m’a offert le bonheur que je construis : c’est moi.

En me sortant les doigts du cul.

 

 

*Note : Enfant, j’étais déjà extrêmement vulgaire. Même si, à six ans, j’utilisais le mot « conne » plutôt. Je me souviens encore de la punition pour l’avoir dit à propos de « Maîtresse Carole ». En même temps… Elle m’avait saqué en Maths… C’te connasse.

Photo de Stephen Leonardi

 

Ajout Bonus : David Gos, de Seomantique s’est fendu d’une excellente vidéo-réponse aux DG, vidéo qui délivre un message auquel je ne peux que souscrire !

 

Camille Gillet Écrit par :

Auteure - Storyteller freelance "Makes the world a Market Place"

8 Comments

  1. 15 janvier 2018
    Reply

    Je retiens juste que tu as abandonné le plan de devenir Jedi en Thaïlande et ça, franchement, c’est hyper dommage, j’suis grave déçue … !
    Sinon tu m’as donné envie de mater les vidéos en question … histoire de rager un peu.

    • 15 janvier 2018
      Reply

      Franchement, si c’est pour crever après en haut d’une colline Bretone, je passe mon tour x’D

  2. 15 janvier 2018
    Reply

    Ben dis donc, y en a là dedans (index toquant sur la caboche)

    C’est à partir du jour que tu comprends que ton ambition est seulement limitée par ta paresse que les choses fonctionnent.
    On peut se trouver toutes les excuses du monde, mais c’est l’implacable vérité que les gens n’aiment pas entendre.

    Ensuite, quand on a déjà franchi un certain cap, on peut très bien limiter cette ambition volontairement.

    La seule condition est de ne pas se plaindre.

    Quand tu atteints le niveau Jedi, le top est finalement d’avoir une bonne vie.

    Les gens se trompent d’objectif de base, cherchant des solutions ailleurs qu’à l’intérieur d’eux mêmes.

    Je voulais juste prévenir que l’entreprenariat n’est pas forcément ce qu’on croit.

    • 15 janvier 2018
      Reply

      Ca ne devrait même plus t’étonner.
      Et je trouvais intéressant de rebondir sur vos trolls, pour proposer une vision tout à la fois moins reluisante que celle vendue au Salon des Entrepreneurs, « et en même temps », beaucoup plus intéressante (de mon point de vue).

      Mais… La flemme, devant l’effort, le fait de souffrir, ou non. Tu le dis, c’est LE frein principal. Faire le choix de passer 10 heures un dimanche à gratter un chapitre, ou rester devant la télévision. Le choix entre des vacances aux Bahamas (quoi qu’on me souffle qu’avec le chômage cela serait facile), ou plus modestement en famille. Des choix. Toujours.

      Les gens se trompent d’objectif de base, cherchant des solutions ailleurs qu’à l’intérieur d’eux mêmes.

      Pire, et ta première vidéo joue de ça : les gens veulent quelque chose qui ne correspond pas toujours à leur bonheur. Mais comme cette chose a le mérite d’être socialement acceptable (et clairement balisée), il leur suffit de la désirer. Et de se frustrer.

      Encore une fois, j’espère que t’as aimé ma métadesc’, la prochaine sera encore plus putassière, promis 😀

  3. 15 janvier 2018
    Reply

    #ModeLapalissade

    Tout a un prix,
    On a rien sans rien
    Etc, …

    Une fois posé cela, pour abonder dans le sens de Laurent (qui me pique encore une fois mes idées #Culé !), ce qui nous empêche d’avancer est en nous. Et ce qui nous pousse à avancer l’est aussi.
    Si une aide extérieure est rarement un luxe, ce n’est pas cela qui va faire changer les choses.
    Nous avons tous des doutes, des craintes, des angoisses, des questions. Et nous avons tous des envies, des désirs. Enfin, beaucoup ont les craintes, et s’interdisent les désirs. C’est con quand même, vivre une vie de craintes… Le masochisme a encore de beaux jours devant lui !

    • 15 janvier 2018
      Reply

      Les aides extérieures sont au mieux des mécanismes déclencheurs de réflexion. Le principe même du psy repose sur ça.
      On pourrait croire qu’une société qui s’accorde à y aller par wagons entiers (de patients, j’entends), aurait donc le réflexe de comprendre qu’une solution miracle est impossible (peu importe le domaine) mais… Non.

      D’ailleurs, c’est pour ça que la plupart des thérapies ne fonctionne pas, et que les gens continuent de cracher 50 à 70€ boules pour se perdre dans l’attente d’une solution imminente.
      (Attendez, j’crois que je me suis foirée de business plan, les mecs…).

      Pour rebondir sur ton idée de désir et de frustration, tu disais dans ta vidéo que nous avions un plaisir mortifère très judéo-chrétien (okay, pas dans ces termes, mais tu le disais), et on l’applique à tout : le travail, la famille (*tousse* la patrie). Et surtout le bonheur. Ne jouissons de rien, si ce n’est de nos échecs et de nos turpitudes.

      Pas parce que « Dieu le veut ». Parce que ça fait de supers statuts Facebook, quand même.

  4. 15 janvier 2018
    Reply

    T’as déjà compris qu’un titre qui fait cliquer est la différence entre la vie et la mort du contenu.
    Ensuite, je te fais confiance pour ne pas décevoir celui qui clique.

    Ton expérience est sympa, mais je suis surtout curieux de lire la version 2048.
    As tu défini ce qui pourrait être une « bonne vie »?

    Notre sujet du mois est l’entreprenariat, mais le vrai débat est bien plus dense.
    C’est de kiffer sa life, dont on parle vraiment.

    Voici mes conseils:
    On ne peut pas connecter tous les noeuds par avance.
    On ne peut que regarder en arrière et observer comment tout s’est connecté pour arriver au moment de plénitude où tout va bien pour toi et ceux qui t’entourent.

    Je ne savais pas où j’allais et j’ai encore un gros bout de chemin devant moi, mais j’ai compris depuis la maternelle qu’il ne fallait pas que je m’emmerde (merci Montessori et mes parent).
    Mon seul fil conducteur a été d’évacuer le facteur emmerdement, peu importe le coût et les conséquences.
    C’est tout.

    Je ne dis pas que ça doit être la tienne tien ou celle d’un autre, mais j’ai trouvé très tôt la ficelle qui allait me guider entre les noeuds de la vie.

    Tant mieux pour ma gueule que j’ai trouvé ça très tôt, mais je ne vais pas essayer de te vendre que je suis un sage bouddhiste en paix avec soi-même et le monde qui l’entoure depuis ma naissance.

    C’est beaucoup plus simple:
    Je me suis laisser flotter au sein de mon existence, avec pour seul leitmotiv de « ne pas me faire chier ».
    Tout le reste n’a été qu’un parcours de vie, peut-être un peu moins moyen que la moyenne.

    J’ai été façonné pour devenir entrepreneur, depuis la plus tendre enfance.
    Bien sûr que j’ai un avantage considérable, par rapport à ceux qui découvrent la lumière au travers d’une vidéo Youtube, alors qu’il ont été programmé autrement.

    Finalement, je ne suis peut-être pas bien placé pour aider ceux qui ont des difficultés car ma vérité est tellement atypique.

    Tous ces petits noeuds, le long de la ficelle, peuvent devenir des montagnes insurmontables.
    D’autres noeuds sont en fait des tartes à la crème.

    Ben ouais, la vie est injuste.
    La majorité ne va jamais connaître ce moment de plénitude, que je mentionne plus haut.

    A la limite, peu importe si ce moment arrive.
    Le secret est de travailler à y arriver.

    Pour ma part, ça ne va pas trop mal, je bosse.

    • 15 janvier 2018
      Reply

      Donc, comme je te le disais, je réponds rarement sur des choses aussi privées (et l’article l’était déjà beaucoup), mais « oui ». J’ai trouvé ce qui était une bonne vie pour moi.
      Et je la construis. C’est le propos de l’article : l’accord avec soi ne se fait non pas dans la résolution finale, mais dans son parcours qui correspond à nos attentes. J’parle ni de CA, ni de notoriété – même si, soyons francs, il faut pouvoir bouffer, et je le fais.

      Si tu veux savoir ma position c’est très simple : pars de la question de je pose à l’enfant que j’étais, couple cette question au conte d’introduction de mon recueil de nouvelles (*voix off* « En vente sur Amazon Kindle. »), et tu obtiens la paix, le plaisir, la finalité.

      [Et en fait j’arrête le commentaire ici. C’est bien assez]

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