Qu’est-ce qu’on peut écrire comme conneries !

Le métier de Rédacteur Web est infiniment complexe. Pas seulement parce qu’il demande de savoir chier une belle quantité de mots ! Ni seulement parce qu’il suppose savoir donner envie au lecteur de continuer. En fait, c’est un métier difficile, car il suppose d’être profondément narcissique, et d’avoir de l’humour.

Mais de l’humour qui ne nous empêcherait pas d’écrire, vous voyez… ? Non ? Mais si : vous croyez qu’on ne rigole pas nous-mêmes devant nos propres épanchements syntaxiques ?!

Parce que c’est là la plus grosse difficulté du métier de Rédacteur Web : arriver à écrire malgré les larmes de rire (ou de honte) qui peuvent débouler à grands flots sur nos claviers.

 

Moi, ma logorrhée, votre rétine, et le client

Il n’est pas rare que je tweete des morceaux de textes clients. Parce que je suis à la fois fière de la tournure ampoulée et pompeuse, et à la fois amusée par mon audace à vendre un truc pareil. Je me relis des fois, parce que je retombe sur mon travail en surfant sur le Web, ou – plus fréquemment – parce que je dois livrer.

Ma pensée est alors très souvent simplissime :

« Qu’est-ce que je peux écrire comme conneries ! »

Être Rédacteur, c’est aussi se dire ça une belle paire de fois dans la journée (plus, si vous travaillez dans la Mode, l’Art, ou le Luxe). Et ce n’est pas un problème de plume. Pas vraiment. C’est aussi une demande client. Et parfois une demande de lectorat.

C’est une demande, cherchez pas ! Vous trouvez qu’on n’a jamais autant vu d’adverbes que depuis que le métier existe ? Attendez un peu de lire mes textes ! Quand je bosse sur du parfum, ma prose se veut sensuelle, et quand je ne dépeins pas l’érotisme d’un cabochon de flacon, j’vais vous esquisser un essai pseudo-sociologique sur la jeunesse désabusée tendance grunge.

En attendant, c’est très drôle…

 

L’art du remplissage qui nous fait lever les yeux au ciel

… Et parfois moins. Parce que s’il y a bien des textes pratiquant l’onanisme en sérifs, il y a aussi ceux qui sonnent vraiment creux, qui n’excitent personne. Pas même le gars rompu aux formules ultra-chiantes de la filière « comptabilité et prise de tête pour des alinéas ».

J’parle de ces textes qui se ressemblent tous. Ceux qui sortent sur des thèmes à la fois surexploités, et dont tout le monde se fout. Typiquement les trucs en assurance, les trucs Web, les textes santé bateau et mode bateau… Les textes SEO bateau… (Qui a dit ça ?!).

Ceux qui vont commencer par vous expliquer le titre + définition de CHAQUE PUTAIN DE MOT TECHNIQUE + adverbes et reformulations à outrance.

Ces textes, ce sont ceux que l’on retrouve donc effectivement en SEO, mais également en « Alors je veux un ton très corpo, u know ? Parce qu’on va activer nos réseaux sur LinkedIn ensuite, histoire de générer un peu de lead… »

Ces textes-là, c’est de la merde. Payée très très très très […] très chère. Mais de la merde quand même. Nan, mais vraiment, cherchez pas, j’en vends parfois… Et j’ai honte, parfois.

Mais là encore, c’est la demande. Du client la plupart du temps, et cherchez pas ami(e)s Rédac à lui expliquer que c’est une vraie connerie en stratégie édito et que ses clients s’en contrefoutent ; cherchez pas, vous dis-je ! Votre zozo tient absolument à avoir LE pavé chiantissime que personne ne lira, mais partagera dans son réseau anémique LinkedinIen.

Alors vendez-le-lui ce pavé. Et ne lésinez pas sur la facture, c’est souvent le client qui a l’orgueil de croire que si c’est cher, c’est que c’est génial (et vous êtes génial, ne l’oubliez jamais).

 

Qu’est-ce que vous pouvez lire comme conneries !

En guise de conclusion hâtive, je rappellerai qu’à l’instar des programmes tv, des énièmes blockbusters brillants par leur absence d’originalité, ou encore du niveau de débat chez nos politiques ; les contenus Web sont la résultante d’une certaine appétence de votre part pour la médiocrité.

Ah bah voui, hein, j’allais pas dire que c’était d’ma faute non plus !

Non, très sérieusement : on dit souvent que les gens deviennent cons parce qu’on leur sert de la merde, mais il serait peut-être temps de rappeler que l’inverse est tout aussi vrai. Soyons francs deux secondes : cet article est trop long pour les ¾ d’entre vous, ya pas d’image, et je n’ai pas écrit « bite » une seule fois, donc je risque de me couper d’une partie de mon lectorat habituel.

Et je ne vous jette pas la pierre, moi-même je trouve que ça manque de « putain » dans le coin.

Là où je veux en venir, c’est que ces conneries, qu’elles soient sensément poétiques, ou théoriquement intelligentes et utiles pour la Start-up Nation ; ces conneries proviennent toutes de nos demandes inconscientes et de notre vision du monde.

Traduction :

Nous associons souvent l’idée qu’un truc sérieux doit être casse-couilles, qu’un truc qui nous fait du bien doit être léger. Ce faisant, nous consommons des tops futiles à la fin de la journée, et des articles de merde pompeux sur l’influence des réseaux sociaux en milieu post-urbain millenials. Là où on devrait faire l’inverse.

Rire de nos milieux professionnels et prendre au sérieux nos plaisirs.

Image à la une : Ben White

Camille Gillet Écrit par :

Auteure - Storyteller freelance "Makes the world a Market Place"

16 Comments

    • 31 janvier 2018
      Reply

      « Merci ».

      Ceci dit, balancer ton lien sur un site aussi éloigné de ta thématique, ça sert juste à rien.

  1. Cédric
    7 février 2018
    Reply

    Belle prose, j’ai même réussi à lire jusqu’au bout : )
    Puis j’ai lu un deuxième article…

    • 7 février 2018
      Reply

      …et c’était le drame. Dépité, il s’en alla, ne laissant qu’un bref témoignage et un beau compliment que l’auteure s’empressa de graver dans le marbre et de chérir longuement.

      Merci 😀

  2. Laurent
    12 février 2018
    Reply

    Hey,

    Quelle fraîcheur, quelle franchise, un poil de cynisme, mais surtout une plume qui fait du bien, merci ! 🙂

    J’écris depuis que je suis en âge de taper sur un clavier, pour le plaisir – nouvelles, romans – mais j’essaie d’intégrer le monde merveilleux de la rédaction web depuis deux semaines, et là de page en page, de lien en lien, je tombe sur ton blog. Bonne pioche !

    Je sens que je vais l’éplucher 🙂

    • 12 février 2018
      Reply

      Recoucou !

      Merci beaucoup ! Ce site est la condition pour arriver à un équilibre. Parce qu’il me faut de temps en temps pouvoir souffler sur le ton sérieux, les obligations en tout genre, et l’univers en général du Web (qui ressemble à un gros cabaret ridicule en fait).

      Comme je te l’ai dit en réponse à ton autre commentaire : c’est un parcours particulier de partir de l’amour de l’écriture à la rédaction, c’est dangereux car on peut y perdre sa (ses ?) plume(s). D’ailleurs, c’est comme ça que la fanfiction « A la Moldue » est née : il fallait que je trouve un moyen « facile » de réécrire, car j’étais en plein burn-out et j’allais tout arrêter… bref passons.

      Dis-moi, si tu navigues en ces eaux : est-ce qu’en dehors de sa vitesse de chargement, PressEnter est ergonomique ? (J’hésite en ce moment à le refondre, même si c’est pas ma prio).

      Bref, merci encore 😀

  3. Laurent
    13 février 2018
    Reply

    Coucou,

    L’animal nocturne est de retour 😀
    Alors merci beaucoup pour ta réponse : rien de plus agréable que de tomber sur une pépite de blog et comble du bonheur d’avoir une réponse fournie, sans délai et sans filtre 🙂

    Pour l’équilibre que t’apporte ce blog, cela devient criant lorsque l’on enchaîne quelques articles ici et puis que l’on se retrouve sur ton site Achronique, une sorte de catharsis en somme ahah
    C’est très intéressant, car je pense même que cela doit te permettre de booster ta production ?

    Concernant la partie technique : j’ai un très bon pc, une bande passante correcte et ton site ne s’affiche pas instantanément. Et il y a une légère latence supplémentaire sur les images mais c’est de l’ordre de la fraction de seconde, donc pour mon cas, rien de gênant en terme de navigation.
    Mais peut-être que sur des config plus modestes et/ou de petites connexions, cela peut s’avérer un peu plus contraignant…

    L’ergonomie et l’esthétique sont géniales, à mon goût, et c’est bien le primordial 🙂

    • 13 février 2018
      Reply

      Salut !

      C’est marrant, on inverse complètement nos réponses à chaque fois : je commence toujours pas camille, car, pour une raison que j’ignore, je ne reçois pas les mails concernant PressEnter (et j’ai cessé de chercher après avoir épuisé plus de 3 pistes).

      C’est rare que les gens aient la curiosité de passer de l’un et de l’autre. Ce qui fait que la plupart pense que je ne suis qu’une grosse rageuse, quand d’autres ignorent que je suis rédac’. Pourtant, je ne me cache de rien, mets plutôt en avant tous mes univers, donc… Les gens sont de vrais flemmards.
      C’est clairement une catharsis, une soupape. En plus d’être un espace d’élaboration du persona rédac’ un peu piquant. Ca me permet de faire beaucoup de tri, de ne pas avoir à aborder plus que nécessaire ma vie privée, bref, de garder une certaine distance.
      Je ne sais pas si ça a un impact quotidien, mais ça en a un au global. Je peux me permettre à peu près tout et aller à mon rythme, et j’ai toujours un espace pour écrire en fonction du but, ce qui est reposant je crois.

      Pour la tech, merci, c’est aussi le souci que j’ai. Après, je suis en mutualisé (je n’avais pas prévu « d’exister » en tant que tel plus d’un mois à l’origine), et ça doit jouer sur le premier temps de réponse. Quant aux images, c’est LE point qu’il me faut travailler rapidement. Ca, et puis je pense que je partirais sur un système de mise en cache, et basta, eh !

      Merci encore 😉

  4. deprets
    9 mars 2018
    Reply

    Bonsoir
    J’aime beaucoup ton style
    Gros bisous
    Angelique

    • 9 mars 2018
      Reply

      Salut,

      Merci beaucoup, contente de voir qu’il est lu comme le divertissement qu’il doit être ^^

  5. 1 avril 2018
    Reply

    Top, top , top ! j’adore votre ton, et puis on voit que vous maîtrisez le sujet ! Qu’est-ce qu’on écrit comme conneries pour se conformer aux exigences des clients parce que le lectorat !… Je pense qu’il ne lit pas….

    • 3 avril 2018
      Reply

      Ca dépend des clients, comme toujours. Le but est surtout de rire ici en exagérant (parfois à peine, il faut le dire) un phénomène ^^

  6. 24 avril 2018
    Reply

    J’aime beaucoup votre site, j’y apprends bcp de choses bien utiles 🙂

    • 24 avril 2018
      Reply

      Merci à vous, pour vous remercier d’un si joli compliment, permettez que j’offre un autre apprentissage : celui de la maîtrise de ses commentaires 🙂

  7. 25 janvier 2019
    Reply

    Comme souvent, je me retrouve dans ce que tu écris ! Oui, je vends aussi de la merde, parfois ! Et parfois ça me fait rire, et de temps en temps, ça me gonfle… Mais quand le client ne veut rien entendre, eh bien tant pis pour lui, hein !
    Je rédige pas mal pour le milieu de la mode, et du coup, avec deux collections textile par an, j’ai tout un tas de ressorts et de phrases que je case un peu partout… du futile, du léger, du rêve ! Je me fais marrer moi-même, c’est déjà ça, et le client est content, c’est encore mieux, même si c’est bien creux, souvent, ce que je raconte…
    Bon, heureusement, de temps en temps, je me dis aussi que j’écris des trucs tops et je suis fière de moi !

    • 25 janvier 2019
      Reply

      Après, je pense qu’on dévalorise aussi beaucoup ces textes, parce qu’on a l’habitude de les voir, qu’on sait que certaines tournures sont des incontournables (mention spéciale à l’expression « aficionados », quand même… !) qu’on voit partout. Et sur plusieurs années d’expérience, ça ne fait que renforcer cette impression. Même dans des textes des qualité… et même en écriture ! Parfois, je m’énerve toute seule parce que je vois mes tics de narration et d’un coup, ça m’agace.
      Bref, ça me fait rire cet amour-haine parfois qu’on a de notre métier, mais ça doit être partout pareil 😀

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