Han ! Que tu mates un coup à gauche ou un coup à droite, c’est la même chose qui te revient dans la gueule. Brillante, cramant la rétine jusqu’au nerf, t’éclatant deux neurones au passage ainsi que ce qu’il te restait de confiance en toi ; ce qui t’arrive en pleine gueule, c’est la réussite des autres.
Et putain qu’ils y arrivent ces cons ! Amis et concurrents, tu les vois évoluer sur le même secteur que toi, mais pas à la même vitesse. Meilleurs que toi ? Impossible, t’es le roi des rois, l’As des As.
Alors pourquoi, là, t’as le sentiment d’être une vraie merde, hein ?
La gaule matinale pour accompagner le café
C’est pas folichon en ce moment, t’as donc aucune raison de t’lever en bandant bien dur pour ton biz, ta renommée, et ta vie en général. Résultat, tu te bouges mollement, tu prends ton café, tu check tes mails, et tu dresses le bilan de ce que t’as à faire, avant de te sermonner : à quoi bon, Pierre (c’t’enculé, faut bien l’dire) y arrive tellement mieux que toi.
Lui, ses lendemains doivent chanter. Du moins, c’est ce que tu te dis.
Tu l’imagines dans une forme olympique, du lever (en piqué) au coucher (accompagné). Tu le jalouses, tu tires des plans sur la comète, en t’imaginant que lui la comète, ça fait longtemps qu’il l’a tirée.
Et après tu fais quoi ? Te reste deux choix : te dire que t’y arriveras jamais, ou chercher sa « petite recette cachée de vrai mec qui sait ». Dans les deux cas, t’y arriveras pas, tu vas te ruiner, et tu passes juste à côté de quelque chose de fondamental :
La réussite, c’est comme le disait très bien Einstein : relatif.
Le succès de Schrödinger
Eh ouais, c’est comme l’expérience de ce Monsieur : ton succès, il est là ou pas, selon si tu regardes. Selon… Si et comment les autres le voient surtout.
Attends, on vit une époque où on t’explique à gogo qu’Internet c’est pas du vrai, c’est tout trafiqué, que tout l’monde a un filtre « chienne » sur la gueule, et tu me dis que t’es en train de bader devant les résultats affichés des mecs autour de toi… ?
T’as plus con comme réflexe ? Leur CA, tu l’as ? Leur carnet de commandes, tu l’connais ? Leurs retours clients, ça dit quoi ?
T’en.Sais.Foutrement.RIEN
Et tu vois, ça ne change pas ta perception de leur réussite. Alors j’vais te livrer un secret essentiel. Secret ultime (même pas en top dix) gratuit, et tout. Sans avoir à lâcher ton comm’. Sans avoir à m’filer ton adresse. Un truc évident, presque enfantin dans ce monde virtuel : les choses n’existent que si l’on en parle.
La guerre de l’image
Si tu croyais que l’Humain dépensait des milliers de milliards en publicité chaque année juste « comme ça », c’est qu’ya un truc que t’as pas bien pigé. J’serais même pas étonnée de découvrir que le marketing brasse plus de thunes que les armes, tu vois…
Partis politiques, marques (petites ou grandes), pays, associations, églises, personnes lambda : tout le monde fait sa pub.
Tout ce putain de monde se vend.
Quand tu rencontres quelqu’un, et que ça fait la fiche « tu fais quoi dans la vie », et que ça minaude, et que ça se pomponne, ou bande les muscles, ça te fait un spot de pub. Ça te montre ce que ça veut te montrer. Pour te baiser la plupart du temps d’ailleurs. Pas toujours avec la langue au passage, on est bien d’accord, mais ça fait la même chose qu’une pub coca… Ou que Pierre, ton concurrent que t’envies comme un con.
Parce que c’est pas lui qui t’attire, c’est sa communication. Ce qu’il va te montrer.
Et à ce petit jeu, Internet est l’outil le plus formidable à ça. Si t’es un peu inventif, créatif, et que tu maîtrises au moins un des arts de communication (écriture / photo / représentation) t’es le roi de la toile.
Les « Faux-airs » de réussite
Faut pas croire, mais fabriquer du mythe, fabriquer du clinquant, ça s’apprend. T’sais ce fameux « Storytelling » dont on te rabâche les algos à longueur de temps, c’est juste l’art de raconter des histoires.
Un mot, une tournure de phrase, une photo ; un rien te change un fait.
« J’ai quitté mon travail pour devenir précaire et écrire des kilomètres de conneries pour des gens qui ne comprennent même pas mon métier. »
« Un jour, j’en ai eu assez. Je me suis dit « Hey, pourquoi pas moi ? ». Il était temps que je réalise un rêve. Alors je me suis lancée, et hop, aujourd’hui je vis de passion et d’expériences. »
Tu préfères quoi ? Une possible vérité, ou une belle histoire exaltante ? Et ne fais pas non plus l’erreur de croire que t’as que ces deux versions. C’est là où t’es qu’un néophyte : la vérité, la vraie, se situe toujours entre sa brutale simplicité, et son vernis affiché.
En d’autres termes, tu veux réussir ? Commence par faire une putain de campagne de propagande autour de toi. Tu es le héros invincible des belles affiches néo-classiques qu’on va placarder sur les murs peinturlurés d’auto-promotions du Web.
À toi d’avoir LE truc qui te vendra comme un putain de conquérant sur fond de La chevauchée des Walkyries. À toi de construire un mythe que tu vendras en priorité à tes concurrents. Le genre assez puissant pour te faire passer pour un intouchable en toutes circonstances, pour un mec perfusé au Viagra H24.
Un obélisque dressé vers sa propre réussite, autel à une gloire virtuelle que tout le monde envie.
Un mec qui fait Führer.
Pour devenir riche il faut commencer par manger du caviar, disait l’autre ‘
C’est exactement ça ^^ (Quoi que bouffer les oeufs des autres, ça m’a jamais trop rendue riche, hein… 😉 )
« un mec perfusé au Viagra H24 »
Putaich’, ça fait pas envie.
Bon, sans dec’, tu touches de la batte un point intéressant et qui ne concerne que les gens comme toi : ceux qui cherchent des clients en ligne. Forcément, tu dois te marketer pour ce faire et le coup de la chevauchée des Walkyries est surement un bon réflexe. Bref, je sais pas comment ça se passe, je peux pas juger.
C’est vrai : tout ce qu’on voit en ligne est essentiellement de la poudre aux yeux. La jalousie n’est pas une mauvaise chose si elle nous fait sortir les doigts et mettre les bouchées doubles. Honnêtement ça me fait chier de tenir un discours proche des startupers de merde qui votent Macron, mais t’as qu’une vie et c’est pas assez long pour passer 107 ans à se morfondre sur la merde qu’on croit être. Alors ouais, plein de monde fais mieux que toi. Non, t’arriveras jamais à la cheville de ceux que t’admire tant. Tu regarderas toujours au dessus, mais n’oublie pas de regarder la vue à laquelle tu t’es hissée de temps en temps, parce que tu t’y seras hissée [quasi] seule. a la force d’un mollet d’acier et d’une trempe – non pas de winneuse – mais de tique accrochée à sa proie et pas décidée à la laisser l’arracher si facilement.
***
« Et que faudrait-il faire?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force?
Non, merci. Dedier, comme tous il le font,
Des vers aux financiers? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud?
Avoir un ventre use par la marche? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale?
Exécuter des tours de souplesse dorsale?. . .
Non, merci. D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et, donneur de sene par desir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe?
Non, merci! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames?
Non, merci! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant? Non, merci!
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles?
Non, merci! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres? Non,
Merci! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes?
Etre terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse ‘Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du « Mercure François »?’
Non, merci! Calculer, avoir peur, être blême,
Aimer mieux faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter?
Non, merci! non, merci! non, merci! Mais. . .chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’oeil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plait, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre,–ou faire un vers!
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
A tel voyage, auquel on pense, dans la lune!
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortit,
Et modeste d’ailleurs, se dire mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles!
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! »
(Cyrano forever)
Comment je kiffe quand tu me laisses des commentaires <3 (Merci pour l'extrait de Cyrano !)
Ouais, c'est détestable. C'est un procédé avec lequel je peux jouer à titre perso, et l'instant d'après me sentir sale. J'ai fini, par instinct de survie, par tourner tout ça en dérision. Jouer la farce comme un clown, m'amuser à être la bouffonne de cette mascarade. Mais c'est uniquement un biais cognitif : c'est pour que le besoin de branding (réel, comme tu le dis dans ce boulot) n'entre pas en contradiction avec le reste de mes aspirations (persos et surtout de "niveau esthétique et éthique de moi-même).
En d'autres termes, pour un éviter un putain de bug contradictoire, une méga dépression comme j'ai pu en vivre ya plus d'un an maintenant, qui m'a fait tout arrêter. Méga craquage méga violent.
Là où je tique, c'est quand je vois des gens le faire avec naturel, en y prenant plaisir... Et incarner leur mythe, devenant les salauds (ou les salopes) qu'ils vendent. Et ça pullule dans le coin.
Il y a des gens qui se meuvent dans le business comme en milieux naturel.
Crachons-leur à la gueule et assumons nos incohérences, notre bordel interne. Continuons d’être ultra-sensibles pour ne pas devenir des endives cyniques. Adressons à ces fossoyeurs du vrai au profit du « réalisme » le bras d’honneur qu’ils méritent.
Ceci dit, j’ai bon dos de dire ça. Pour moi l’enjeu est moins immédiat que la survie, et le branding du blogueur (qui existe) est comme celui de la bière : on a le droit aux métaphores négatives.
Mais bon dos ou non, tu as raison !
J’ai besoin de ces choses, et crois-moi, je les mets en place à des tonnes de moments. Sauf que le vernis reste apparent, et je me souviens encore de ce qu’il y a en-dessous. Nulle mascarade, même si ça reste le carnaval des gros troufions, je ne me berce pas d’illusion ni sur le masque que je porte, ni sur la trogne d’en-dessous.
Et quoi de mieux qu’un bourreau pour pleurer ses victimes, hein ?
(Putain que j’aime ta prose en commentaires, mec :o)
Arrêtes tu me fais rougir. 🙂
Prenez une chambre, vous deux! 🙂
Si j’fais ça, j’vais encore me faire engueuler pour favoritisme, tu penses !
Pouêt !
Prout :p
Tu testes Robobo, c’est ça ?
Le pb, c’est que le système des « vendeurs de rêve » te pousse à ça. C’est à dire que certains cherchent à te faire croire que ce grand cirque de « c’est moi qui ai la plus grosse » est complètement normal, et qu’il faut le faire toi aussi parce que y’a pas de raison t’es pas plus bête qu’eux… Alors bien sûr, ils utilisent des trucs genre « la power est en vous », « croyez en votre potentiel » blah blah… mais ce faisant ils normalisent le vice. Un peu comme certains SEO quand ils balancent un peu partout « bah ouais personne n’est variment white hat mon gars dès que tu poses un lien t’es grey ou black wesh gros »… Le genre de truc qui me débecte car qui sont-ils pour t’imposer leur vision ET SURTOUT la vision des choses qui les arrange bien ??? Genre « j’ai fait de la merde j’ai bien spammé comme un goret avant Google Pengouin mais maintenant je m’achètes une conscience cousin, et je rabaisse bien tout le monde à mon niveau comme ça le newbie qui pose un lien se sent bien coupable tu vois… » Bref les donneurs de leçon…
T’u touches du doigt un truc, et c’est ce qu’on disait en substance avec St-Epondyle : la nécessité d’en passer par là, et le biais cognitif utilisé pour arriver à vivre avec (quand ça te gratte le cul, hein… Yen a qui s’en sortent très bien sans ^^).
En revanche, je suis pas d’accord sur deux points : celui qui dit qu’on n’a pas réellement en ça en nous. En fait, j’estime que son seul et unique véritable allié (et son pire ennemi, aussi), c’est nous-même. Du coup, le « power inside », oui. A titre personnel, je pense qu’il faut pas perdre de vu que personne d’autre que toi ne volera à ta rescousse. Cela dit, je te rejoins sur le fait que c’est n’importe quoi cette course, et qu’elle n’a rien de normale. Elle est nécessaire, mais pas normale.
L’autre point, c’est sur le SEO, je pense l’exemple mauvais : entre le moment où ça spammait pépouze et celui où ça s’est mis à dire qu’il fallait faire du bio, il s’est passé plusieurs choses : la réaction de Google, la multiplicité des gens comprenant de quoi on parle, le besoin (et j’y crois fondamentalement) d’une différence, d’un plus.
Après, tu le mets sur l’UX du site, sur le contenu, ou sur tous les leviers ; peu importe. Là où je veux en venir, c’est que ce n’est pas comparable.
Cela dit, je te rejoins sur la question du BL = BH, c’est stupide. Ou alors le Web entier l’est.
Quant à la question de donner des leçons, tout le monde le fait. Tout le monde. En présentant sa vision des choses (qui est forcément celle qui prévaut aux yeux de la personne, sinon, ce n’est pas « sa vision des choses » ^^), on la placarde quelque part. Ce qui va faire que ça devient envahissant, c’est souvent la façon dont l’interlocuteur le prend.
Quand tu y penses, les pratiques – même les plus crades – continuent, sans même se poser des questions.
(Remarque, j’ai peut-être mal compris ton message ^^)
[…] En complément, lire l’excellent article de Camille Gillet […]