Digital, l’erreur planétaire dont on est tous victimes !

ALERTE ! Votre servante va vous révéler un possible complot de proctologues. Et quand je parle d’un complot, je parle d’une machination perverse, ourdie avec talent, dans le seul but de nous tromper et de nous faire passer pour de gros pignoufs… Imaginez un peu ma surprise, en tant que Rédactrice Web, de découvrir que j’étais totalement décrédibilisée à cause d’un mot. Un seul et bête mot que nous utilisons tous à tort et à travers…

Une infamie que je vous dis ! On doit prendre les armes, mes amis !

Une entreprise digitale est une entreprise très tactile

C’est quand même un joli mot « digital », non ? On pense tout de suite au numérique, au Web, aux technologies, aux petits robots, au dématérialisé… Bref, ça fait branché, quoi. Si vous tapez « Digital » sur notre ami Google, vous verrez en première position le site d’une compagnie : « group-digital.fr »

Deux choses sautent alors aux yeux : la première étant que nous sommes très loin d’une entreprise de communication, ou en rapport avec la technologie « numérique » (Car le site est un site de e-commerce finalement), la seconde étant que l’utilisation du mot « digital » est plus que mauvaise : elle n’est là que pour dire qu’ils sont sur Internet.

Théoriquement, je ne vous apprends rien, mais « digital » ne veut pas du tout dire « numérique ». Ca veut dire « doigt ». Ça vient du latin, tout ça… D’où les « empreintes digitales » d’ailleurs. En fait, ce mot est un abus de langage dès lors qu’il est utilisé en dehors d’un champ sémantique de moufles, gants, et autres visites médicales. Et cette réflexion me vient directement de David, alors qu’on s’apprêtait à dévorer un McDo de façon très digitale (Vous suivez…?)

Pour la faire courte, une entreprise digitale ferait intervenir des doigts. Théoriquement, et si on étire au maximum la vraie définition de « digital », seuls les médecins spécialisés, les vendeurs de trucs tactiles, et le Fisc pourraient utiliser ce mot. Pour le Fisc, je vous laisserai chercher 🙂

Le cas d’conscience de la Rédactrice, ou son erratum à peine honteux

Pour en revenir à moi, parce que j’adore parler de moi, il y a un énorme souci qui se pose. Normalement, les Rédacteurs Web sont des sortes de garants du français sur Internet. Ouais, « normalement ». Parce qu’entre les fautes que l’on voit, et les phrases alambiquées qui ne veulent plus rien dire, on sait tous ce qu’il en est. MAIS, un bon rédac’ devrait quand même connaître les bons mots, non ? Surtout dans son domaine…

Si maintenant tout l’monde s’en fout de savoir que le mot « digital » n’a rien à voir avec le schmilblick, il est vrai que nous (les scribouillards) on devrait pouvoir continuer à l’utiliser à outrance… Mais ma conscience professionnelle me dit que ça fait super tache, mine de rien.

Je ne peux décemment pas continuer à mal utiliser un mot ! J’vais passer pour quoi au juste ? Quelqu’un qui ne connaît pas ses définitions ? Quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de logique, d’étymologie derrière le vocabulaire ? Si j’tombe sur un client pointilleux, amoureux du latin, s’il me voit parler de « contenu digital », ma légitimité va en prendre un coup, vous ne pensez pas ?

Mais pourquoi ce mot est-il utilisé de cette façon ?

C’est une histoire d’évolution. Une sorte de processus Darwinien sémantique, voyez… ? Rapidement : Digital vient du latin « digitalis », lui-même originaire de « digitus ». Le premier signifie que « ça a l’épaisseur d’un doigt » (sexy), et le second veut tout bêtement dire « doigt ». Ok, mais comment on en est arrivé là ?Numérique ou Digital ?

Les Anglais ne se sont pas foulé : comme l’on compte sur ses doigts (on voit le niveau des mecs, quand même… ), ils ont utilisé la racine pour l’appliquer au mot anglais « chiffre ». En anglais « chiffre » se dit « digit ». Tout simplement parce qu’au lieu d’utiliser leurs méninges ou un boulier, les Saxons s’amusaient avec leurs mains. Bon, après, on peut leur pardonner… Leur langue est essentiellement d’origine germanique.

Maintenant, le terme « digital » en anglais signifie « qui utilise les nombres ». Et alors là, la porte est ouverte au n’importe quoi, le boulevard du « nawak-vocabulairien » est à vous ! Parce qu’un ordinateur, Internet, un truc qui calcule, utilisent les nombres, tout devient digital.

Votre calculatrice, votre pc/mac, votre smartphone (pour le coup, il est digital, hé hé), votre réveil, votre voiture, votre prof de Maths, votre centre des Impôts, […] TOUT ce qui va utiliser des nombres sera digital. Tout est digital. Parce que tout est informatisé aussi, il faut le dire…

Numérique VS Digital

Et c’est la grosse bataille du Web… Surtout dans un milieu qui adore les mots anglais. Ça fait tellement plus classe ! Sauf que nous, nous n’avons pas d’excuse : notre langue découle directement du Latin !

Alors, autant effectivement personne, pas même sous la contrainte, ne me fera dire « frimousse » en lieu et place de « smiley » (et j’vous parle même pas de « arrosage » pour spam, j’aimerais rester tout public…), autant l’utilisation du mot digital me choque.

Pas pour une obscure histoire de « on est en France on parle Français ». Non. Ca me choque désormais parce que l’origine du mot en anglais et en français est la même. La même. A ceci près que les Anglais ont déformé le terme sous prétexte qu’ils comptaient sur leurs mains… Il y a tout de même plus pertinent comme usage, et largement moins enfantin.

D’autant qu’en Français le mot « numérique » a exactement la même signification que « digital ». C’est-à-dire que « numérique », comme vous pouvez vous en douter si vous êtes attentifs, vient de « numéraire », de « nombre ». Ca fait tilt ? Wikipédia le dit très bien d’ailleurs :

« On dit numérique une information qui se présente sous forme de nombres associés à une indication de la grandeur à laquelle ils s’appliquent, permettant les calculs, les statistiques, la vérification des modèles mathématiques. »

Et BIM ! Dans ta face de petit écolier manuel. CA, c’est un bon mot. CA, c’est pertinent !

Et mon histoire de complot et de fin du monde, alors ?

illuminatis digitalOh, c’était juste un titre pour que vous cliquiez. D’ailleurs, si vous êtes arrivés ici, c’est que ça a drôlement marché !

Quoi qu’il en soit, je ne sais pas vous, mais je vais essayer de me sortir du clavier cet abus de langage. Je ne condamne pas du tout cette utilisation, mais je persiste à dire que ça ferait tout de même plus pro si les acteurs du Web commençaient à utiliser les bons mots. Ca n’engage que moi, mais depuis que David m’a fait la réflexion, cette histoire tourne en boucle dans ma tête. J’ai l’impression d’avoir été trompée… D’être salie.

Et c’est sur ce dernier mot très « digital » (vous chercherez…), que je vous laisse !

Camille Gillet Écrit par :

Auteure - Storyteller freelance "Makes the world a Market Place"

12 Comments

  1. 23 janvier 2016
    Reply

    +1, ça me fait saigner des oreilles à chaque fois que j’entends « digital » à la place de numérique.
    Mais malheureusement c’est déjà dans le Larousse…

    • 23 janvier 2016
      Reply

      Oh ? J’ai une vieille édition du Robert (enfin… Elle a dix ans quoi), et j’ai la chance de ne pas avoir ces mises à jour. Cela dit, ça me choque que le Larousse accepte de l’y mettre. A moins qu’il ait choisi de le classer dans « familier », par exemple ?

  2. Sylvain
    23 janvier 2016
    Reply

    J’admets que je raisonné avec une logique SEO mais à mon avis on utilise avant tout le langage de sa cible. Donc si elle utilise le mot digital…

    Un petit clin d’oeil à ce sujet ici http://www.axe-net.fr/agence-axenet/

    • 23 janvier 2016
      Reply

      Oui, ce qui est parfaitement logique de ce point de vue ! Et c’est tout le problème que pose finalement la Rédaction Web quand on y pense… Ecrire pour les moteurs de recherche (et d’une certaine manière, pour ceux qui cherchent/lisent) ou bien pour le lecteur final, qui ne viendrait pas nécessairement via requêtes ?

      Tu sais quoi ? Ca demande un approfondissement tout ça… Je vais me garder l’idée dans un coin de tête, parce que je pense que le mot « digital » n’est pas le seul, et que cette problématique est ultra-intéressante.

  3. Sylvain
    23 janvier 2016
    Reply

    Je dirais en tout premier lieu « écrire pour ceux qui cherchent » plutôt qu’écrire pour les moteurs. On s’en fout des moteurs (et c’est un SEO qui te dit ça 🙂 ). Les moteurs ne donnent jamais leur n° de CB 🙂

    Celui qui nous intéresse c’est le visiteur. A mon avis, la bonne solution passe par l’utilisation d’un vocabulaire compris par ceux que l’on souhaite toucher car c’est celui qu’ils vont utiliser.

    Un exemple (comme un autre) :

    Si j’écris « perte de goût » ou « perte d’odorat », la grande majorité des gens vont comprendre. Si j’ai un public de particuliers, ce sont donc les termes que je vais utiliser dans ma page.

    Si j’écris « agueusie » ou « anosmie » ( termes que je te fait très probablement découvrir) sans jamais écrire leurs « traductions » grand public, je vais probablement perdre des tas de visites de la part de ma cible (les particuliers).

    Mais inversement, si ma cible est constituée de professions médicales ce sont plutôt les termes plus médicaux que je vais utiliser car drainer un trafic de particuliers ne m’intéressera pas.

    Plus philosophiquement. Rien ne m’énerve plus que le vocabulaire SMS par exemple, mais il faut se faire une raison, les langues sont vivantes, les mots et leurs sens évoluent parfois, certains finissent par en remplacer d’autres.

    Sur ce jouvencelle, je m’en vois par les vaux ripailler une poullaile tranchée menu et d’ostres victuailles grassoueillantes.
    traduction : je vais m’enfiler des nuggets au MacDo et pt’et bien un big mac !

    • 23 janvier 2016
      Reply

      Je suis entièrement de ton avis sur la question du choix des mots. On le voit d’ailleurs très bien quand on fait une analyse sémantique sur un site, et que l’on souhaite l’optimiser derrière ! On va se glisser dans la peau de celui qui recherche, afin d’imaginer les requêtes susceptibles de l’amener sur le site. En faisant, naturellement, bien attention qu’elles soient en adéquation avec le thème. On le voit même plus encore sur les requêtes de longue traîne.

      Ton exemple est excellent (et je confirme, j’ignorais tout de ces mots !), car il montre bien que tu ne peux employer certains termes que dans des cas particuliers. Le champ sémantique filtre ton lectorat, automatiquement.

      Merci encore pour ce retour argumenté. Et je te hais pour le MacDo, j’ai la flemme de faire à manger.

      PS : Si les termes scientifiques que tu as employés me sont inconnus, pas besoin de traduire à une geek du « vieux français type médiéval ». Surtout si c’est pour me donner envie de MacDo :p

  4. […] reached out to the district. Roseville City School District Embraces Chromebooks, But At What Cost? Digital ou numérique ? Que faut-il dire ? ALERTE ! Votre servante va vous révéler un possible complot de proctologues. Et quand je parle […]

  5. Paul
    23 janvier 2017
    Reply

    « Mais ma conscience professionnelle me dit que ça fait super tâche, mine de rien »
    Euh… tache, non ?

  6. Albert
    6 février 2020
    Reply

    Tout simplement parce qu’au lieu d’utiliser leurs méninges …….
    Erreur ! avec les méninges, ce serait plutôt le cerveau, non ?

    le cerveau et la moelle épinière sont protégés par un second système de protection, formé par ce qu’on appelle les méninges.

    • 6 février 2020
      Reply

      C’est scientifiquement juste, mais l’expression littéraire veut que l’on fasse « fonctionner ses méninges ».

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