Camille Gillet : nf, du latin scriba
Mise à jour des années plus tard : Cette présentation date de 2014-2015 et concernait l’époque où j’étais « simple petite scribouillarde ». Aujourd’hui, je suis storyteller freelance, j’ai même monté mon agence virtuelle de branding et storytelling StoryPunk et édité un site aux éditions Eyrolles (« Le pouvoir du storytelling« ). Tant de chemin parcouru !
J’ai dit il y a peu que l’entrepreneuriat n’était pas réellement un choix pour moi. Mais c’est faux, pour une seule raison. Probablement la même que tous les entrepreneurs partagent : une passion à l’origine de ce choix.
Je sais pas ce qui vous fait kiffer dans la vie, mais chez moi c’est l’écriture. Bien plus que le dessin, ou le théâtre d’ailleurs, et pourtant, j’ai eu de très gros amours avec ces deux arts. Plus encore que les jeux vidéo ou les jeux de rôles. En fait, ce que j’aime depuis mes six ans se résume à une chose : raconter des histoires. C’est au-delà du simple fait d’écrire. Bien au-delà. J’pourrais vous dire avec une voix suraiguë que j’adore les mots, mais c’est faux. Je n’ai pas plus de fascination pour les syllabes, que pour la ponctuation.
Non, ce que j’aime, à un point obsessionnel depuis vingt ans maintenant, c’est faire rêver les gens. Les amener dans des univers différents. Les prendre par la plume, et les sortir de la réalité, pour les faire entrer dans la mienne.
Quand je serai grande, je serai…
A l’origine de ce plaisir presque coupable, non pas le lecteur, mais moi. Cette fâcheuse manie de passer mon temps à écrire sur tout et n’importe quoi a commencé à cause d’un mauvais film des années 60. Un péplum qui a très mal vieilli : Jason et les Argonautes. C’est après l’avoir visionné une fois chez mes grands-parents, alors que la maîtresse venait juste de m’apprendre les rudiments de la syntaxe, que j’ai pris mon premier stylo. Je ne voulais pas réellement partager quelque chose avec un potentiel lecteur. Non. Ce qui m’a animé sur le moment était une farouche et orgueilleuse volonté de réécriture !
Oui, à six ans, j’estimais que le film n’était pas terrible, et que ce pauvre Jason avait fait des choix particulièrement mauvais, pour ne pas dire stupides. Me voilà donc, forte d’un mètre dix, et d’une conjugaison catastrophique, en train de réécrire l’histoire pour qu’elle devienne cohérente. Selon moi, naturellement. Fière comme pas permis de cette double-page A4 noircie, je l’ai évidemment fait lire à toutes les bonnes âmes qui me tombaient sous la main. Et comme tous parents qui se respectent, les miens n’ont pas osé m’expliquer que ma démarche était peut-être un poil trop optimiste. Au lieu de cela, j’ai compris immédiatement qu’ils seraient à jamais mes cobayes, et que j’avais là, à porté d’encre, un multivers infini.
Quel rapport avec l’entrepreneuriat ? Tout.
J’ai passé ma vie à rêver d’être écrivain, ou journaliste, ou que sais-je encore. Sans jamais me lancer dans quoi que ce soit d’officiel. Ça, des histoires, j’en ai inventées, réécrites, abandonnées… ! Mais publiées, monétisées, non, jamais. Des fois que quelqu’un me dirait que je suis nulle. Oui, l’orgueil est quelque chose d’assez pernicieux qui prend racine dans nos peurs. La mienne est de découvrir que je suis stupide ou que je ne sais pas écrire.
Alors j’faisais ma tambouille dans mon coin. En sourdine dirons-nous. Et côté professionnel ? Je faisais le strict minimum : de l’alimentaire, du « qui fait pas rêver », du « qui n’a rien à voir avec le plaisir ». Sauf qu’un jour, j’en ai eu assez. Je ne me trouvais plus dans cette existence qui n’était pas la mienne, et écrire une vie que l’on rêve de mener a – il faut bien se l’avouer – un côté profondément pathétique. Je voulais changer ça. Et c’est là que j’ai entendu parler de la « Rédaction Web ».
Parce qu’il faut savoir qu’à ce stade de mon histoire, non seulement j’aime raconter des choses, mais j’aime aussi les écrire. Oui. J’ai pas été honnête au début : j’aime la sensation d’un clavier sous les doigts. Cela relève probablement d’une névrose quelconque, et je gage que Freud aurait beaucoup à y redire, mais c’est comme ça. J’aime taper – et le plus vite possible – sur un clavier.
Ainsi, quand j’ai découvert que des gens se faisaient payer pour cela, vous pensez bien que j’ai sauté sur l’occasion ! J’ai donc fait un stage dans une agence de Communication Digitale. Et c’est comme ça que j’ai mis un pied dans ce monde étrange du Web-Marketing. J’ai passé trois semaines à écrire des Communiqués de Presse. Et pour tout vous dire : je me suis amusée comme une folle.
Oh, mes sujets d’écriture ne me faisaient pas bander la virgule, je vous l’accorde. Les salles de bains, les mutuelles, ou autres, il y a plus excitant. Mais, pour la première fois de ma vie : on me laissait sept heures dans un coin, de la musique plein les oreilles, les doigts faisant une belle crise d’épilepsie, et tout ceci de façon « professionnelle ». Être payée à s’amuser ! Le genre de trucs que l’on souhaite tous étant gamins, et que vos profs, vos parents, Pôle-Emploi et la dure réalité, tentent de vous expliquer que cela relève du pur fantasme malsain.
Et donc, le rapport avec l’entrepreneuriat, ma cocotte ?
Patience petit scarabée ! En fait, à la fin de mon stage, j’étais déterminée à en faire mon métier. Voilà, j’étais tranquille, j’avais trouvé ma voie : écrire pour le Web, à défaut d’pondre le prochain best-seller. Mais la faille du système – parce qu’il y en a toujours une – était la suivante : votre cocotte n’avait aucun diplôme. Eh ouais ! J’suis de cette race de bons élèves qui décident subitement d’faire leur crise d’adolescence sur les études sup’. Apprendre, c’est cool, mais l’éducation nationale, c’est le mal ! Je m’en suis donc détournée. Et me voilà, face à des pros qui me disent que j’ai de quoi faire une bonne rédac’ mais que… « Tu comprends, sans études, tout ça… »
Ouais, ça va, te casse pas la tête, j’ai pigé. Sans mes cinq années dans l’école « Paye-cher-ton-diplôme-de-Com », je l’avais dans l’baba. Et, à ce stade de la lecture, je pense que vous avez parfaitement compris que je n’étais pas du tout du genre à débourser une fortune pour perdre mon temps. J’aurais très bien pu m’arrêter là. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait. Pendant un an, j’suis retournée à mes jobs alimentaires, tout en inondant mes proches de divers écrits, histoire de compenser. Sauf que, j’ai beau être une rêveuse, j’suis loin d’être naïve. Ces histoires de diplôme et de cursus de journaliste, c’était du bullshit.
J’ai donc décidé de le prouver : J’me suis inscrite en tant que Rédactrice Web Freelance
Et là, c’est très drôle, parce que d’un coup, les sociétés qui ne voulaient pas de moi pour des raisons à la noix, semblaient soudainement trouver que ma plume pouvait s’acheter. Cocasse, hein ? Hypocrité ? Totalement. Illogique ? Non, pas tant que ça. Un CDD, ou CDI, ça coûte une blinde, une Rédac’ temporaire, c’est tout de suite plus abordable. C’était donc une voie tracée, mais ardue, qui s’ouvrait à moi.
Pendant un an, j’ai fait ce que toute Rédactrice Web Freelance peut faire : tout. Je me suis vendue, à un prix particulièrement bas de surcroît, pour faire tout et n’importe quoi. Je me suis tellement sous-vendue, sous-évaluée, que je ne touchais même pas un plein SMIC entier. Enfin, j’vous parle en Net, hein. On connaît tous très bien les taux d’imposition pour les entrepreneurs. Bref, je vivais très salement, beaucoup moins bien qu’à l’époque de mes boulots alimentaires. Et ce n’était pas le seul problème : je n’aimais pas ce que je faisais.
En fait, je n’ai pas aimé découvrir une Rédaction lisse, sans âme, commerciale au possible, optimisée jusqu’à l’écœurement. J’ai détesté l’idée de la rentabilité. Les diktats des 350 mots minimum 500-800 dans l’idéal. J’ai haï viscéralement le spinning, même le léger. Et j’vous parle pas des sujets insipides, au traitement insipide, où l’écriture se résume à un bête copier-coller en prenant bien garde de ne pas faire de duplicate content… Le plus triste dans tout ceci, c’est que j’en suis venue à haïr mon métier, et moi-même…
La retraite de Socrate
Je me suis donc arrêtée, brutalement. J’ai coupé tous les ponts, j’ai disparu de la circulation, je me suis attelée farouchement à disparaître du Net. A faire disparaître la « Camille Gillet Rédactrice Web pas chère, merci de m’embaucher ». Et je me suis retrouvée plongée dans une profonde dépression. Aujourd’hui, on appelle ça un « burn-out ». J’ai craqué ma parenthèse, j’ai pété mon alinéa, si vous voulez. Pendant six mois, je n’ai rien fait. Plus rien. Enfin si, j’écrivais encore, mais sous un pseudonyme, et uniquement des histoires. J’ai pris une retraite, et j’ai philosophé. Sur ma vie, mes passions, sur ce que je voulais faire de mon existence, sur mes valeurs, sur ma personnalité. J’ai tout remis en question, au point de m’en sentir misérable et miséreuse.
Je ne voulais plus remettre un pied ici. Plus jamais. Plus jamais écrire pour des gens qui ne pensent qu’à l’argent. Plus jamais faire du contenu sans âme. Plus jamais vendre la mienne. Je me sentais « scribouillarde qui se rêve écrivain », et je ne voulais plus être « Machine à écrire qui se rêve Rédactrice ».
Elle est cool ta vie, mais pourquoi t’es là alors ?
En fait, j’ai eu deux épiphanies. Ou plutôt : deux personnes m’ont fait prendre conscience d’une chose : Pendant toute ma méditation colérique, je n’avais pas cessé d’écrire. Pas cessé de zieuter dans le coin, pas cessé de dire qu’il faudrait faire autrement. Que je voudrais faire autrement.
J’pouvais me mentir à moi-même et dire que je m’étais trompée de métier. J’pouvais dire que c’était de la faute des autres, etc. Mais la réalité, la mienne, comme celle de toute personne tombée un jour est la suivante : j’avais baissé les bras trop tôt, et je n’avais pas osé être. Osé entreprendre.
En fait, rien ne m’empêche d’écrire ce que je veux et comme je le veux. Si ce n’est le risque qu’un potentiel client me passe sous les doigts, évidemment ! Mais fondamentalement, rien ne nous oblige à faire du vide, du plat, du sans saveur. On le fait tous uniquement parce qu’on croit que c’est ce qu’il faut faire. Et on croit que l’on va aimer ça en plus. Sauf que l’on disparaît derrière le politiquement correct. On s’efface au profit d’un avatar professionnel qui n’est absolument pas nous. Et l’on se cache, juste pour faire comme tout le monde et être accepté par tout le monde.
C’était ça que je n’avais pu supporter. C’était ça qui m’avait fait me détester : oublier qui j’étais.
La révolte qui se rêve Révolution
Je suis une scribouillarde, un écrivain raté, une Rédactrice en perdition. Ouais. Mais j’aime l’être. Et je ne m’arrêterai pas. Je ne peux tout simplement pas. Raconter des histoires, partager avec les gens, c’est ma raison de vivre. J’ai besoin de savoir qu’ils rient, ou qu’ils s’émeuvent devant l’un de mes textes. Même si celui-ci parle des rhododendrons !
Je vends, et parfois prête ma plume, pour permettre aux gens de se connecter, de connaître des choses, de réfléchir le temps de la lecture. La Rédaction Web n’est pas parfaite, elle a été vampirisée par des personnes ne connaissant pas la valeur des mots, la reléguant au rang de simple outil rentable. Mais moi, je refuse cette déchéance de l’écriture. Je refuse que l’on dise que l’on ne peut vendre que sur du vide, qu’avec des mots vides, et tout plein de smileys en guise d’émotion. Je ne peux croire que le symbole de la civilisation – l’écriture, pour ceux du fond – ce qui a fait que dès son apparition, l’on se soit mis à parler d’Histoire de l’Humanité, je ne peux croire, ni permettre qu’il soit déshonoré à ce point.
L’écriture est magique. Elle permet de dire tout ce que l’on veut. Peut-être utilisée juste pour s’amuser, raconter des choses salaces, bêtes, intelligentes, drôles, tristes ; qu’importe ! L’écriture est le trait d’union entre tous. Et Internet, ce Web 2.0 comme on adore le nommer, n’est que son relais.
On peut faire de la Rédaction Web avec intelligence. On peut faire des contenus publicitaires avec style, humour, et émotion. Tout cela est possible. Il suffit simplement de s’en donner les moyens, de ne pas faire preuve de flemmardise intellectuelle, et surtout, de décider de réellement se démarquer.
Sois unique qu’on te dit, tu vas pas être déçu !
Partout, vous et moi, entendons cette rengaine du « démarque toi ». Et pourtant, on voit tous les mêmes entrepreneurs faire et dire les mêmes choses. C’est parce que je veux cultiver cette authenticité que j’écris sans filtre, si ce n’est le respect de l’autre.
Et je ne vends rien d’autre que moi-même. Parce que c’est moi que vous lisez, pas Martine du 93, ni Pipounette du 42.
Je ne pratique pas la langue de bois. Je refuse d’écrire que j’aime un produit si ce n’est pas le cas. Je ne suis pas une machine à écrire. Je ne suis pas non plus qu’une simple « Rédactice Web Freelance ». Non, je suis moi.
- Voilà pourquoi je ne sors pas, et ne sortirai jamais d’une école avec un super nom.
- Voilà pourquoi je ne spinnerai jamais un article en cinq minutes, intégration comprise.
- Voilà pourquoi mes textes ne seront jamais neutres.
- Voilà pourquoi je n’accepte plus tout et n’importe quoi.
- Voilà pourquoi je n’ai pas le prix d’un farmeur chinois.
- Voilà pourquoi vous êtes là.
Vous êtes là, auprès de moi, parce que vous aussi, vous rêvez d’être unique, et j’ai envie que vous le soyez. Faites entendre votre voix, votre véritable voix, avec son timbre imparfait et son rire qui fait se retourner tout le monde sur votre passage. Parce que ça, c’est vous. Et ce « vous », il a de quoi être aimé !